Stockage d’énergie électrique: de millisecondes à l’échelle géologique

Dans un article précédent traitant de la nécessité d’un stockage intermédiaire d’énergie dans les stations de recharge pour véhicules électriques, nous avons souligné le besoin de plusieurs types de stockage électrique intermédiaire. En fonction des besoins à couvrir, à savoir les micro-pics, l’écrêtement journalier, le stockage hebdomadaire et les périodes plus longues, différentes solutions apparaissent, mais aucune d’entre elles ne peut couvrir tous ces besoins. Existe-t-il une configuration idéale qui combine le stockage saisonnier et l’utilisation quotidienne ? Difficile à affirmer avec certitude, mais explorons quelques idées et croyances populaires qui pourraient être erronées : le pompage hydraulique convient-il au stockage saisonnier ? Le lithium-ion est-il si bon pour une utilisation quotidienne ? Pourquoi serait-il intéressant de stocker de l’énergie pour les générations dans 100 ou 1000 ans ?

En explorant toute la gamme de temps, de la milliseconde à la gigaseconde, chaque type de dynamique a son rôle à jouer dans l’écosystème global de distribution d’énergie. Par exemple, à court terme, la dynamique instantanée est cruciale pour assurer la stabilité du réseau et permettre ce qu’on appelle les micro-pics de charge (notamment les chargeurs de véhicules électriques). En général, les surpercompensateurs sont capables d’absorber des pics de puissance élevés en quelques millisecondes et de supporter une charge élevée pendant plusieurs minutes. Ils ne sont clairement pas adaptés à une charge complète, mais ils absorbent tous les transitoires et ont une longue durée de vie, ce qui permet de nombreux cycles de charge. C’est la première pièce du puzzle de notre installation de recharge de véhicules électriques qui incarne les sources d’énergie et les stockages.

De quelques minutes à plusieurs heures/jours, avec un temps de réponse de quelques secondes, les batteries au lithium peuvent servir de tampons énergétiques intermédiaires. Malgré leur faible durée de vie et leur capacité énergétique bien inférieure à celle des supercondensateurs, elles peuvent conserver l’énergie pendant plusieurs heures ou plusieurs jours et se comportent de manière idéale pour lisser les pics de consommation si l’on a besoin d’une source d’énergie solaire stable. Les batteries au lithium semblent nécessiter un refroidissement important et ne peuvent pas être utilisées pour répondre à de fortes fluctuations du réseau/de la charge. Dans une gamme dynamique similaire, mais un peu plus longue, avec une capacité de stockage de quelques heures à plusieurs semaines, les batteries Vanadium redox flow sont hautement évolutives et adaptées à un fonctionnement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elles sont également pertinentes pour les stations à superficie limitée.

Le stockage mécanique est souvent envisagé pour le stockage saisonnier. Le pompage hydraulique, par exemple, présente une dynamique relativement bonne (quelques minutes), des capacités de pointe assez élevées et peut facilement soutenir des cycles quotidiens. L’inconvénient réside dans l’utilisation du territoire, ce qui en fait un mauvais candidat pour le stockage saisonnier, car il nécessiterait une capacité de stockage 100 fois supérieure à celle requise pour les changements quotidiens. L’air comprimé est également un bon candidat pour une utilisation quotidienne lorsqu’il est comprimé dans des cylindres (comme le fait mon ami d’Enairys Powertech). En ce qui concerne le stockage mensuel, on peut envisager de comprimer l’air sous terre ou dans des tunnels de montagne, comme le montre un projet pilote basé en Suisse (voir référence ci-dessous). On parle également de soulever des objets lourds, stockant ainsi l’énergie potentielle gravitationnelle, comme le propose la société Energy Vault.

L’hydrogène est à l’étude pour le stockage mensuel ou annuel, car il est facile à produire en alimentant des électrolyseurs en électricité, puis en utilisant des piles à combustible pour restituer l’énergie électrique. On parle d’hydrogène vert lorsqu’il est produit directement à partir de parcs éoliens/solaires ou, plus généralement, d’énergies renouvelables. Cependant, son rendement est très faible, ce qui rend cette solution peu intéressante pour le stockage d’énergie électrique. Elle nécessite également des infrastructures assez encombrantes, ce qui la rend compliquée. Du point de vue chimique, il existe quelques candidats potentiels pour le stockage d’énergie à plus long terme, à savoir le procédé Steam-Iron, les hydrates de sel, les cycles soufre-acide sulfurique, l’érythriol, le méthane ou l’ammoniac. Mais pour être honnête, mes connaissances s’arrêtent là.

Nous avons également mentionné les échelles géologiques, ou l’échelle de temps des gigasecondes, le type de stockage d’énergie adapté pour conserver l’énergie pendant plusieurs générations. Dans un contexte géopolitique où la plupart de nos ressources fossiles ont mis des millions d’années à se former et quelques décennies à se consumer, nous pourrions commencer à envisager à repayer notre dette énergétique vis-à-vis des générations futures, en injectant de l’énergie dans ce que l’on appelle des réservoirs géologiques naturels. Ce type de formations rocheuses profondes (par exemple, le basalte, les dômes de sel) piègent naturellement l’énergie à l’échelle géologique, grâce à des processus chimiques lents et irréversibles. Un autre exemple pourrait être exploré avec les aquifères salins profonds qui stockent le CO₂ ou l’hydrogène pendant des milliers d’années, une solution éprouvée pour la séquestration du carbone à long terme. Contrairement aux combustibles fossiles, ces formations évitent les risques de fuite grâce au piégeage naturel des minéraux.

En conclusion, existe-t-il une solution pour notre station de recharge de véhicules électriques ? Il semblerait qu’une combinaison entre un flux redox au vanadium (pour des cycles de 1 à 2 heures) et des supercondensateurs (pour les micro-pics) permettrait d’éviter la surcharge thermique tout en s’adaptant aux contraintes foncières. Les batteries à flux redox au vanadium excellent dans les stations de recharge de taille moyenne en fournissant un soutien stable et puissant pour les cycles de recharge des véhicules électriques de 1 à 2 heures, ce qui est essentiel pour la résilience du réseau pendant les pics de consommation. Si un stockage mensuel est nécessaire, il faut ajouter de l’hydrogène/de l’air comprimé, mais pas d’hydroélectricité pompée.

Référence : Stockage d’électricité sous forme d’air comprimé dans des galeries de montagne https://nfp-energie.ch/fr/projects/umbrella/109/